« Les vacances en Guinée ! Toute joyeuse, pour la première fois, avec ma sœur aînée, nous allions découvrir : le soleil, la mer et la plage durant les grandes vacances, de quoi rendre jalouses les copines au retour ! Mais les vacances se sont transformées en cauchemar. Nous avons été excisées avec nos cousines chez notre grand-mère. Une femme nous a tenu les jambes, une seconde nous écrasait la poitrine pour nous empêcher de crier et une troisième tranchait à vif dans les chairs. Je n’oublierai jamais les cris, en particulier de ma sœur, qui depuis est handicapée mentale ».
L’histoire de F., née en France et partie à 12 ans en Guinée-Conakry.
« Ma grand-mère m’a conduite chez l’exciseuse, une vieille femme effrayante. Je me rappelle en particulier des soins post « excision », le beurre de karité, mélangé aux cendres et le fait d’uriner dans un seau d’eau pour atténuer la douleur ».
L’histoire de M., née en France et confiée à sa grand-mère, au Sénégal.
« J’ai été excisée à 9 ans en Guinée, avec ma sœur ainée qui avait 14 ans à l’époque. Je crois que ma sœur avait été prévenue par une cousine de ce qui nous attendait. Moi je ne savais rien. Ça s’est passé chez ma grand-mère paternelle où nous étions en vacances. Là, une femme est venue. Elle a demandé à ma tante de faire entrer ma sœur. J’attendais dans le jardin avec ma mère que j’ai soudain sentie très triste et inquiète. Quand ma tante m’a demandé d’entrer, j’ai vu ma sœur assise contre un mur tétanisée, l’entrejambe ensanglanté. Nous ne parlons jamais de cet événement avec ma sœur, mais je pense que, comme moi, elle ne s’est pas débattue longtemps. Quand votre famille vous maintient, que votre mère qui vous aime n’est pas loin, vous finissez par vous laisser faire, vous pensez qu’on fait ça pour votre bien… Ensuite, c’est le trou noir.
Je me souviens m’être réveillée sur un lit, ma famille venait me féliciter d’être devenue « une femme ». Je ne savais ce que ça signifiait mais je les croyais. A 13 ans j’ai découvert en cours d’histoire que ce que j’avais subi était « un crime ». Ma mère s’est excusée. Je crois qu’elle a une position ambiguë vis-à-vis des traditions. Elle souhaite que nous ayons un emploi pour être indépendantes, ma sœur et moi, mais avec mon père, elle envisage de nous proposer des hommes en mariage. Moi, je souhaite avoir recours à une chirurgie réparatrice, être amoureuse et libre. Je ne veux pas être soumise. Ma mère n’a pas eu la force de se battre pour ses droits ; alors je le fais pour moi, et pour elle. Un jour, je reviendrai en Guinée, mais cette fois ce sera pour des vacances engagées ».
L’histoire de O., 20 ans, née en France et partie en vacances en Guinée.
« J'ai été excisée avant ma venue en France et j'ai appris mon excision à 16 ans lors de ma 1ère visite chez le gynécologue.
Comme je n’avais aucun souvenir de ce qu’on m’avait fait, ni de ce que cela voulait vraiment dire, j’ai été très étonnée. J’ai préféré occulter tout cela et je n’en ai parlé à personne de ma famille. Quatre ans plus tard, je me marie et attends mon premier enfant. Le médecin m’a expliqué que les mutilations génitales pouvaient entraîner des complications au moment de l’accouchement. C’est là que j’ai décidé d’en savoir plus sur ce qui m’était arrivé. Je me tourne alors vers ma mère qui balaie rapidement le sujet. «Ça n’est rien, il ne faut pas y faire attention. C’est la coutume et ça se passe comme ça.» Fin de la conversation. L’accouchement se passe bien et je mets de nouveau un mouchoir sur la question.
C'est après avoir vu une campagne du GAMS et plusieurs documentaires à la télévision que j'ai décidé de me lancer dans des recherches sur les mutilations sexuelles féminines. J'ai ensuite entendu parler du professeur Foldès et de la chirurgie réparatrice. Je me suis faite opérer en 2006, à 26 ans, et j'ai décidé de rompre avec le tabou familial sur l’excision en abordant le sujet avec mes sœurs.
Mes petites soeurs sont tombées des nues, c’était un choc.
Mais le plus étonnant dans tout ça, c’est la position de nos parents. Ils sont plutôt ouverts d’esprit et ne se sont pas opposés aux mariages mixtes ou avec des non musulmans. Mais dans la communauté malienne, la peur du qu’en dira-t-on pèse beaucoup. Ceux qui vivent à l’étranger, tentent de faire perdurer les traditions, bonnes ou mauvaises.
Aujourd’hui bénévole de l’association Excision, parlons-en !, je veux jouer un rôle de grande sœur pour toutes ces jeunes filles qui vivent dans la crainte de subir une pratique dont elles ignorent tout et dénoncer cette pratique néfaste tout en refusant le stéréotype de la victimisation des jeunes ayant subi cette mutilation ».
L’histoire de Ramata, 38 ans, française d’origine malienne.
« J’allais bientôt avoir 7 ans. C’était la saison des pluies (l’été). On jouait avec ma copine, dehors dans la rue. Une voisine et ma tata sont venues nous trouver. Elles nous ont amenées au dispensaire, en nous disant qu’une de leurs copines avait accouché. On les a suivies en toute confiance. Quand on est arrivées, il y avait au moins une dizaine de filles allongées par terre. Des ados déjà opérées qui ne pouvaient pas tenir dans un lit et qui hurlaient de douleur. Parce que, bien sûr, tout ça c’est sans anesthésie. Quand j’ai vu ça, j’ai pris peur. J’ai essayé de m’enfuir mais ma tata et plein d‘autres voisines m’ont rattrapée. C’était un véritable guet-apens. Comme j’étais très agitée, je suis passée la première sur la table. Il y avait 6 adultes qui m’appuyaient de tous les côtés pour que je ne bouge pas. Je hurlais. J’avais peur. La sage-femme a pris une lame et m’a dit de serrer les dents fort. Elle m’a aussi dit « sois forte, pleure pas », mais j’ai pleuré quand même. C’est considéré comme de la faiblesse, mais j’ai souffert. J’avais tellement mal que je ne me souviens pas de la suite. Juste de ma copine qui hurlait de douleur. On a quand même eu un peu de chance, si on peut appeler ça de la chance : à l’hôpital, ils vous enlèvent un bout à peu près proprement alors que dans la brousse, les filles se font exciser avec des lames de rasoir, des couteaux et ils enlèvent tout.
Quand je suis rentrée à la maison, mes parents étaient sous le choc. Mon papa a porté plainte mais ils l’ont pris pour un fou. Le lendemain, la sage-femme est revenue pour me donner une douche et enlever la compresse qui couvrait ma plaie. Comme elle ne se décollait pas elle l’a arrachée. J’ai fait une hémorragie, il y avait du sang qui jaillissait de partout. La chance, c’est qu’on habitait tout près de l’hôpital. Je suis vraiment revenue de loin. ».
L’histoire de S.
« Le mot excision, je l’ai compris à l’âge de 16 ans, à la télévision en France. J’admirais ces femmes courageuses qui témoignaient et je me suis subitement rendu compte que leur histoire m’était familière et que ce n’était pas normal ce qu’elles avaient subi.
J’ai commencé à m’intéresser à ce que j’avais entendu, « l’excision », et j’ai réalisé que toutes les petites filles ne subissaient pas cette pratique. Je me suis donc lancée dans la réparation !
J’ai été excisée à l’âge de 7 ans sans que personne ne m’explique ce que j’allais subir.
À 7 ans on ne s’attend pas à être confronté à une telle brutalité. La question que je me suis posée lors de mon excision était mais qu’est-ce que j’ai fait pour mériter une telle punition ?
Un matin ma grand-mère m’a demandé de la rejoindre chez la voisine qui se trouvait au rez-de-chaussée de notre immeuble. Je me souviens encore de ma robe orange tissée de fil blanc, toute souriante de répondre à son appel.
Arrivée dans le salon où se trouvaient ma grand-mère et les autres femmes, je me suis dirigée vers elle pour écouter ce qu’elle avait à me dire, et là tout a basculé…
Ma grand-mère a posé la main sur ma main pour m’agripper, les trois femmes m’ont tenue pour me coucher de force sur un sol froid à carreaux, elles m’ont déshabillée, la lutte a duré quelques minutes, je ne souhaitais pas obéir car j’avais vu les couteaux, mais malheureusement elles ont été plus fortes que moi. Je ne comprenais toujours pas ce qui se passait autour de moi…
Puis, j’ai ressenti une très très forte douleur, une partie de moi m’a été enlevée et dans ma chair je ressentais une douleur indescriptible, je pleurais, je pleurais énormément car j’avais mal.
Après l’excision, je pensais qu’on allait m’emmener à l’hôpital voir un médecin, malheureusement ce ne fut pas le cas, elles eurent recours à la médecine traditionnelle (eau chaude, plante verte), de façon très brutale, sur la plaie, au cours des semaines qui ont suivies…
Quelques semaines après, plus rien pas un mot, pas une explication, la vie a repris, jusqu’au jour où les séquelles et le traumatisme sont apparus ».
L’histoire de G. 24 ans, française originaire de Guinée